« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »
Paris, au crépuscule du 16 germinal de l’an II de la république, soit le 5 avril 1794, quatre hommes descendent de la charrette qui vient de les amener place de la révolution.
Hérault de Séchelles, Fabre d’Eglantine, Camille Desmoulins montent les marches qui mènent à la guillotine. Exécutés, ils précèdent de quelques minutes dans la mort le quatrième condamné qui, du haut de son échafaud, la tête haute et le torse bombé, toise les milliers de parisiens venus assister aux exécutions. Puis il s’adresse à Samson, le bourreau :
- « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine ».
Il se dirige alors vers l’« engin de mort » tout inondé du sang de ses amis.
Quelques secondes plus tard, Samson montre cette « forte » tête ensanglantée et détachée de son corps au peuple pour un moment fort de recueillement dans un « silence assourdissant ».
Cette tête a appartenu à Georges Danton.
Ma règle auto-imposée pour ce blog est que quelle que soit la date, l’article ne doit pas dépasser l’équivalent d’une page « Word ». Je dois donc la respecter, y compris pour Danton, certainement l’homme sur lequel j’aurais aimé écrire un livre entier si le talent, hélas, me l’eût permis.
Car de tous les personnages de l’histoire, celui de Danton me fascine le plus.
Il n’a vécu que 34 ans (il est né le 26 octobre 1759), son action n’a pas dépassé cinq années mais quel héritage il aura laissé.
D’abord c’est une « gueule », une vraie. D’ailleurs, pour le jouer à l’écran on a fait appel à Gérard Depardieu ou à Klaus Maria Brandauer (majestueux dans le film de Robert Enrico : « La révolution française »).
Orateur hors pair, doté d’une voix de stentor, n’écrivant jamais ses discours qu’il improvisait avec une maestria légendaire, cet homme au corps robuste en imposait auprès de ses pairs révolutionnaires autant qu’il fascinait le « peuple » conquit et charmé par cet habile politicien.
J’ai déjà évoqué que Mirabeau aurait pu être l’homme de la révolution (voir l’article « j’emporte avec moi le deuil de la monarchie » du 9 mars). Je crois sincèrement que Danton aurait pu être celui qui l’arrête et qui accompagne la transition vers la démocratie moderne.
Et puis Danton, c’est du panache et des citations vibrantes à tous les moments clés de son existence :
Quand il était ministre :
- « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France sera sauvée » et elle le fut !
Quand ses partisans lui demandaient de fuir pour sauver sa peau avant son arrestation :
- « Je n’emporterais pas ma patrie sous les semelles de mes souliers »
Quand l’accusateur public, Fouquier-Tinville l’interroge lors de son procès pour décliner son nom et son domicile:
- « J’habiterais bientôt le néant, et mon nom sera inscrit dans le panthéon »
Ou quand il l’accuse de corruption :
- « Moi vendu ? Impossible ! un homme de ma trempe est impayable ; personne ne peut s’acheter Danton. »
Et bien sûr, lors de son exécution relatée au début.
Bien entendu les détracteurs de Danton diront que ce n’était qu’un homme vulgaire et corrompu.
Je répondrais simplement, en m’appuyant sur les écrits de l’écrivain journaliste Georges Walter, que l’on doit juger Danton sur ses actes et sur les services rendus à la Révolution et non sur l’argent qu’il a gagné au cours de sa carrière politique.
Il est plus qu’établi qu’il a contribué au triomphe de la Révolution et que sans lui, cette dernière aurait certainement été « tué dans l’œuf ». Alors qu’il ait reçu des centaines ou des milliers de livres parallèlement, on s’en moque.
S’il n’avait rien touché mais qu’il n’avait pas non plus « sauver » la révolution et la France, on n’aurait même pas dit qu’il était un honnête homme car il aurait été insignifiant.
Alors oui cet homme « a vécu », il a dévoré la vie parfois avec trop d’enthousiasme, mais au moins sa vie n’aura pas été vécue en vain.