J'ACCUSE !
C’est par ce titre volontairement provocateur, qu’Emile Zola, à la une du quotidien militant, l’ « Aurore », le 13 janvier 1898, adresse une lettre ouverte au président de la République, Felix Faure.
Ce fut une vraie bombe et s’il reste certainement l’article de presse le plus connu au monde, « J’accuse » reste surtout l’exemple de l’engagement intellectuel pour une cause juste.
Zola a conscience des conséquences que cela va avoir, pour lui notamment, mais il ne le regrettera jamais malgré une fin de vie (jusqu’au 29 septembre 1902, date de sa mort) où il connut la ruine (pour payer ses frais de justice et ses condamnations), l’exil, la vindicte et les injures et une mort qui reste mystérieuse à tout point de vue.
Quelques intellectuels avant lui utiliseront leur notoriété et leur talent au service de la justice et contre le pouvoir en place. Les plus connus étant Voltaire ou Hugo.
En 1898, au crépuscule d’un siècle qui vit tant de talents, Zola est certainement le dernier des grands hommes de lettres qui ont marqué le XIXe siècle. Hugo, Balzac, Flaubert, Maupassant ne sont plus.
Il est célèbre, il est au sommet de sa gloire, son œuvre est unanimement reconnue. Il vient de parachever son cycle romanesque des Rougon Macquard en 20 volumes. Il n’a donc rien à prouver ni à gagner personnellement dans l’engagement qu’il s’apprête à prendre.
Et c’est pour ça qu’il faut admirer Zola. Pour son courage.
Les conséquences de son engagement sont tout simplement la révision de l’affaire Dreyfus, sa libération puis sa réhabilitation.
Il faut comprendre qu’avant la « bombe » envoyée par Zola, Dreyfus a été jugé, reconnu coupable et condamné. Et le vrai traitre de l’histoire, Esterházy a été définitivement acquitté. Et à cette époque, 95% de la population était persuadé de la culpabilité de Dreyfus (y compris des hommes de gauche tel Jaurès ou des artistes comme Monet ou encore Proust).
La grande force de Zola est d’avoir su, par son talent, par les documents dont il a eu accès, retourner une partie de l’opinion publique grâce à son article qui, avant d’accuser nombres de coupables dans cette affaire, fait le récit de toute l’histoire. La France sera désormais coupée en 2 : les Dreyfusards et les Anti-Dreyfusards (On retrouvera chez les premiers nommés les 3 noms cités plus haut qui compteront parmi les piliers prenant la défense de Zola et pour la révision du procès Dreyfus).
Certains disent même que notre clivage Gauche/Droite date de là !
Toujours est-il que grâce au courage de ce grand homme qu’est Emile Zola, l’ordre établi fut bouleversé et cela permit une action politique, une lutte gagnée. Ce fut en quelque sorte la victoire du pot de terre contre le pot de fer.
C’est d’autant plus fort que 113 ans plus tard, alors que notre pays vit une situation de crise, où règne grand nombre d’injustices, il n’existe pas ou plus de « Zola » pour réveiller nos consciences et lancer une bombe, un vibrant « j’accuse » qui nous sortirait de notre torpeur. C’est pourtant, probablement, ce dont la France a grand besoin.
A Zola