La der de l’empereur
Si, en France, on ne donne le nom aux rues, aux places ou aux ponts qu’aux victoires, force est de constater que dans la mémoire populaire, ce sont les défaites qui restent les plus connues :
D’Alésia à Dien-Bien-Phû en passant par Crécy, Azincourt, Sedan et bien sûr Waterloo.
C’est vrai tout le monde connaît Waterloo. Waterloo qui sonne le glas de Napoléon Ier et de l’empire.
Mais très peu a déjà entendu parler de la bataille de Ligny.
C’est pourtant la dernière victoire de l’empereur le 16 juin 1815, soit deux jours avant le désastre de la « morne plaine ».
Et j’ajouterai également pour la cruelle mais croustillante ironie de l’Histoire que cette victoire de Ligny est finalement en partie la cause de la défaite de Waterloo.
Napoléon a beau expliquer sa défaite par l’incompétence – ou, pire encore, la trahison - de Grouchy qui a préféré manger ses fraises au lieu de poursuivre Blücher et les prussiens, il n’en reste pas moins que s’il a fallu courir après ce dernier pour l’empêcher d’apporter son aide décisive à Wellington et les Anglais sur la plaine de Waterloo, c’est que l’empereur l’a laissé filer deux jours plus tôt, à Ligny.
Petit flash-back.
Rappelez-vous, le 20 mars 1815, Napoléon, de retour de son exil d’Elbe, entre dans Paris et reprend les rênes du pouvoir abandonné par Louis XVIII.
Les alliés européens (Angleterre et Prusse en premier lieu) décident de se coaliser pour annihiler le retour et les ambitions de l’empereur.
Napoléon sait que stratégiquement il vaut mieux combattre les forces alliées séparées.
Il part donc à la tête de son armée en direction de la Belgique pour aller défier les prussiens avant que ceux-ci ne rejoignent les forces anglaises.
La rencontre a lieu à Ligny le 16 juin 1815 à 15h00.
60 000 grognards face à 90 000 prussiens.
A 20h30, la victoire revient au camp français qui a perdu plus de 8000 hommes, soit trois fois moins que les lourdes pertes subies par l’ennemi.
Au soleil couchant, les prussiens fuient donc le champ de bataille et c’est là que napoléon commet l’erreur de penser que cette défaite les a démoralisé et démobilisé. Il ne prend pas la peine de les poursuivre car, se dit-il au pire, ils vont se replier vers Namur au sud-est pendant que lui ira défier les armées anglaises au Nord.
Double erreur.
Si les français n’avaient ne serait-ce que tenté de poursuivre les forces ennemies, ils auraient trouvé, en plein milieu du champ de bataille, coincé sous son cheval mort…le général Blücher !
Au lieu de cela, le commandant prussien échappant donc à la capture parviendra à remobiliser ses troupes à Wavre, commune située à une petite dizaine de kilomètre à l’est….de Waterloo pendant que Grouchy, missionné par l’empereur seulement le 17 juin en fin de matinée, pensera les tenir à l’œil sur les rives de la Meuse, plus de 30 km au sud.
Voilà pourquoi à la fin de l’après-midi du 18 juin, l’empereur fut déconfit lorsqu’il aperçut les colonnes de Blücher arrivaient sur le flanc droit du champ de bataille de Waterloo alors qu’il espérait l’aide décisive des troupes de Grouchy.
Mais ça, Napoléon aurait pu s’en prendre à lui-même car les erreurs de Grouchy n’auraient jamais existé si les bonnes décisions avaient été prises au soir du 16 juin 1815, à Ligny.