Un peu plus à l’Ouest

Publié le par Gévé

Pourquoi parle-t-on portugais au Brésil alors que la quasi-totalité de l’Amérique centrale et du sud parle espagnol ?

En clair comment les espagnols ont-ils fait pour laisser échapper le contrôle du vaste territoire brésilien qui représente à lui seul près de la moitié de la superficie du continent sud-américain ?

La réponse tient en un seul mot : ignorance ! L’ignorance de l’époque lorsqu’Espagnols et Portugais ont signé le traité de Tordesillas le 7 juin 1494.traite-de-torsedillas.jpg

Mais de quelle ignorance s’agit-il ?

Pour l’expliquer, allons faire un tour dans le passé, à la fin du XVe siècle pour être précis.

A cette époque, les Portugais et les Espagnols sont les deux grandes puissances maritimes, surtout les premiers nommés.

 Pour le compte de la couronne portugaise, des navigateurs n’hésitent pas à explorer l’océan bien au-delà des côtes vers l’ouest et vers le sud. C’est ainsi que les rivages de l’Afrique subsaharienne et les archipels des Canaries, du Cap-Vert ou des Açores sont découverts.

En 1481, une bulle pontificale, « Aeterna regis », permet aux Portugais de revendiquer toute nouvelle terre découverte au-delà du parallèle sud des Canaries à condition d’y évangéliser les populations locales.

Mais à partir de  1492, la certitude que la terre est ronde, la boussole et Christophe Colomb changent la donne. Les Espagnols reprennent le « leadership » des océans.

Et ils revendiquent le monopole de l’exploitation du nouveau monde. Le pape de l’époque, Alexandre Borgia, d’origine espagnole, accepte cela au nom de l’Eglise.

Ainsi, en mai 1493, la bulle pontificale « Inter caetera » donne aux espagnols toutes les terres découvertes à l’ouest de l’archipel du Cap-Vert.

Les Portugais contestent et la guerre entre ces grandes puissances semble inévitable. Mais pourquoi s’affaiblir en se combattant alors que tant de richesses s’offrent à elles ?

Espagnols et Portugais s’assoient donc autour d’une table pour renégocier le partage du monde (Europe exceptée !).

Nous sommes le 7 juin 1494, dans la province de Valladolid en Espagne, plus précisément à Tordesillas.

Reprenant en partie les termes de l’ « Aeterna regis », ce qui est au sud des canaries revient aux portugais. Mais ceux-ci obtiennent de déplacer la ligne de « démarcation » fixée par l’ « Inter caetera » à environ 1800 km à l’Ouest  des îles du Cap-Vert (équivalent aujourd’hui à  46°37’ de longitude ouest). Et donc, tout ce qui est à l’est de cette ligne leur appartient.

Les Portugais gagnent ainsi le contrôle de toute l’Afrique et de toute l’Asie méridionale (les indes, le siam, l’archipel des Moluques etc…).

Les Espagnols revendiquent quant à eux, toutes les nouvelles terres découvertes à l’Ouest de cette nouvelle ligne de « démarcation ».

Evidemment, les autres grandes puissances (France, Angleterre, Pays-Bas) ne vont pas accepter ce traité de Tordesillas et, en partie par les actes de pirateries grâce à de nombreux corsaires, elles vont affaiblir la force maritime de l’Espagne et du Portugal et vont finir par reprendre une grande partie des territoires partagés entre ces deux nations (Amérique du Nord, Afrique, Océan Indien,  Asie).

 

Mais toute l’Amérique centrale et du sud va rester, jusqu’à l’indépendance des colonies qui la composent,  sous autorité espagnole.

Toute ? Non, sauf le Brésil qui restera lui… Portugais.

En effet en avril 1500, Cabral, navigateur portugais, part explorer les mers situées à l’est du méridien fixé par le traité. Il bute alors sur des terres inconnues dont il prend possession au nom de la couronne portugaise, comme les signatures de Tordesillas l’autorisent.

C’est ainsi que ce qui sera le Brésil devient Portugais.

Au moment du traité, nul n’avait pu deviner que le nouveau continent amérindien développe  dans l’hémisphère sud une saillie bien plus à l’est que les terres découvertes par Christophe Colomb avant le 7 juin 1494.

Cette ignorance du Monde au moment de se le partager, donnèrent donc aux Portugais, sans le savoir,  un territoire presqu’aussi vaste que l’Europe!traite-de-torsedillas-2.jpg

Finalement, nos amis lusitaniens eurent « du nez » lorsqu’ils demandèrent de décaler la ligne de partage un peu plus à l’ouest (comme dirait le professeur Tournesol).

Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, au pays de la samba, « no hablan español » mais « falam português » !

Publié dans Evènements

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